2.1 - Premières investigations

L'expression déjà terne de la femme sembla se figer l'espace d'un instant comme si elle avait en tête de vieux souvenirs. Puis comme si de rien n'était elle recommença à vous questionner sur sa fille cette fois.

" Vous êtes des amies de Lily ?
...
Vous savez certainement pourquoi elle tarde à rentrer alors ?
...
Vous voulez un peu de thé ? Il doit en rester près de la cheminée..."

Tournant vos têtes dans la pièce aucune cheminée n'était visible. Pourtant la vieille femme semblait vouloir se lever malgré la fatigue et son manque flagrant de force. En fin de compte, elle n'arrivait qu'à grelotter un peu plus sous ses draps troués.

Reyan hocha la tête de droite à gauche tout en affichant un air de réflexion. Il n'en savait pas plus et exprima en quelques mots sa méconnaissance du quartier. Il en savait plus sur le cœur de la Fourmilière et les Capes, mais pour le Ghetto... il n'y avait mis les pieds qu'avec Octave Gavras et c'était bien la première fois qu'il pouvait se déplacer sans les consignes précises de son mentor. Cependant, s'il avait retenu une chose, c'était qu'il n'y avait aucun véritable médecin par ici, plutôt des apothicaires de quartier, des soigneurs de diverses obédiences et des religieux compatissants. Pour se guérir, les gens du coin faisaient plus souvent appel aux Ereliths qu'aux compétences des vivants.

Ton plan lui sembla prometteur et il accepta de te suivre dans cette direction, n'en ayant pas de meilleure à te proposer. Laisser Jefri de côté était pour lui aussi une bonne chose, surtout pour ne pas qu'il se fasse lui aussi reconnaître par le balafré. Par contre si comme les Nains, ils n'aimaient pas trop la couronne, il faudrait peut être envisager d'opter pour des tenues plus discrètes. Reyan proposa d'ôter certaines parties de son uniforme pour se fondre plus facilement, vous les récupéreriez en repassant par ici avant de rejoindre la Flûte Verte. De ton côté il ne savait pas bien quoi te dire pour que ton apparence "propre" s'efface un peu au profit de la crasse et la pauvreté de la zone.

Le jeune Jefri te confia quelques détails supplémentaires sur l'homme et notamment un tatouage sur le dos de la main gauche représentant une dague et sur les doigts de sa main droite étaient inscrits le mot "M O R T", des détails qui en disaient long sur le niveau intellectuel et culturel du fameux Ron. Avec ceci et sa balafre il ne te serait pas difficile d'identifier le zigoto en le voyant !

Ce fut donc après un rapide échange de pièces que tu quitta les lieux en compagnie de Reyan, toujours aussi dévoué à la réussite de sa mission et surtout inquiet au sujet du vieil investigateur... Il répétait régulièrement qu'il fallait se dépêcher pour ne pas laisser l'homme seul trop longtemps, afin de s'assurer qu'il se porte bien et que rien ne lui arrive en votre absence. Progressant vers le Nord et les ruelles serpentines en remontant les odeurs de charogne, de sang, de grillades et de d'excréments; vos pas vous menèrent assez rapidement au devant de la rue des Boucheries.

Comme son nom l'indiquait, de très nombreux établissements de découpe de viande et d'élevages sous-terrains se disputaient l'espace et créaient un brouhaha animal bien plus important que celui du Pas du Roi. Des hommes allaient et venaient, portant divers signes distinctifs montrant leur appartenant à telle ou telle Boucherie, déplaçant fournitures, viandes, peaux et autres produits de leur labeur quotidienne. Ici, malgré la pénurie de Viande dans la Fourmilière, on œuvrait à produire au plus vite pour ne pas laisser le Fer-à-Cheval et l'Orée manquer de quoi que ce soit ! Les surplus partant directement en vente dans les échoppes de la Ruche et dans les assiettes des Bouchers, ne laissant que quelques rares morceaux, souvent mauvais, pour les grilleurs de la Fourmilière.

Reconnaissant l'insigne de patte de poulet du lieu où devait travailler Ron d'après les indications de Jefri, un rapide coup d’œil extérieur vous indiqua que l'homme, s'il était présent, devait se terrer à l'intérieur de la petite ferme à volaille, l'une des plus grosses productrice d’œufs de la Fourmilière. Le bâtiment carré et de taille imposante avait un unique étage hors sol pour les bureaux, et à en croire les écriteaux d'indication à l'entrée, au moins trois étages enfouis...

Alors que vous pénétriez les lieux, une grande foule vous pressa vers l'extérieur en direction de cris et de paroles fortes. En effet, dehors, une grande foule était rassemblée invectivant un Homme qui venait d'assassiner un Nain à l'aide d'une grande épée à deux mains. Les atours et la valeur de l'arme ne signifiaient qu'une chose : il était de Noble naissance et affichait sans complexe l'opulence de son existence dans pareil lieu. Sans que vous ne réalisiez vraiment ce qui était en train de se jouer la foule immense se jeta sur lui et il répondit en ablatant son arme plusieurs fois projetant tripes et boyaux des pauvres bougres faiblement équipés d'armes de fortune qui souhaitaient le maîtriser.

Au loin, remontant la rue dans l'autre sens à toute allure, une troupe des Furets fuyait aussi vite qu'elle le pouvait de ce lieu de rage. L'Humain de son côté venait de se faire ficher un crochet d'acier entre les côte et quelques instant après une fourche à travers le mollet le fit chuter au sol. La foule déchaîné le rouait de coups provoquant contusions et hématomes pour certains sérieux jusqu'au moment de la commotion. Criant au dessus de la foule, la voix d'un l'Elfe résonna si fort qu'il était impossible de ne pas l'entendre. L'espace d'un instant il sembla même que tout autre son se tût pour lui permettre d'exister.

" Hourra amis ! Hourra à votre bravoure !
Vous honorez nos frères et sœurs travailleurs qui meurent chaque jour pour une bouchée de purée infecte aux champignons !
Gardez ce galant en vie, nous en ferons bon usage dans les temps à venir !
Si nous le tuons céans, point de dialogue avec la Couronne juste de l'acier et du sang.
Cessons le sacrifice de nos amis et reprenons ce qui est à nous par labeur !
Hourra amis ! Hourra à notre victoire ! "

Maintenant que l'Elfe avait parlé, les révoltés hurlaient et exaltaient de joie, certains s'embrassaient et s’attiraient même dans les rues voisines pour fêter leur première victoire "dignement". Des groupes se formèrent rapidement pour bloquer les Boucheries et barricader la grand rue tandis que l'Homme inconscient et en sang était transporté par des gros bras au derrière de l'Elfe. Les morts eux n'avaient que leurs amis pour les pleurer et s'occuper de leurs dépouilles, témoins vite oubliés de ce qui venait de se lancer.