Journée banale, soleil bas à l'horizon, rat crevé dans le bec, et une vieille vinasse tenaient compagnie à Daragonis, un jeune de Kanarath qui avait monté son affaire dans la grande ville draconide. C'était la journée qui commençait. Daragonis rejoignit l'intérieur de son échoppe après avoir terminé son petit déjeuner. Il vit son associé, Bogas, en train de manger sur le comptoir une nourriture étrangement parfumée, se dernier se retourna et adressa la parole à Daragonis.
- "Pourquoi tu manges toujours ses trucs écœurants ? L'affaire tourne bien, tu va pas faire couler la boutique en mangeant un peu mieux."
Daragonis lui répondit en lui adressant un sourire en coin.
- "Mais y'a rien de mieux qu'un p'tit nectar frelaté aux aurores, tu connais pas le bonheur des choses simples c'est tout."
Bogas haussa les sourcils et poussa un léger soupir, puis se retourna pour finir vite son en-cas avant l'ouverture de la boutique.
Daragonis monta à l'étage de la boutique, inspectant les stocks qui restaient. Le soucis dans ce genre d'endroit qui vend tout et n'importe quoi, c'est qu'il faut trouver tout et n'importe quoi pour remplir les étales à un prix avantageux. La corruption des gardes d'une résidence ne doit jamais être supérieur au prix de revente de ce qu'il s'y trouve. Quand Daragonis redescendit, Bogas traitait avec un client.
Daragonis avait appris à décrypter les clients, ils étaient des spécimens fascinant. Ils sont persuadés d'être des individus uniques, de valoir quelque chose. Ils aiment voir leur ego flatté, et leur intérêts satisfaits. L'important c'était de savoir qui il était, et ce qu'il voulait. A partir de là ils se prostituerait volontiers. L'individu était assez maigre, plutôt grand. Son teint était soigné, des vêtements très propres, de valeurs, mais il n'avait pas l'habitude de se travestir dans cet attirail, il était jeune et en manque d'assurance, il cherche des repères, quelqu'un qui le rassure où le conforte dans ses idées. Il semblait cependant borné et bon toutou à son géniteur, il venait à sa demande pour acheter un objet précis.
Daragonis regardais en silence Bogas négocier. C'était quelqu'un de bien, acharné, modeste et sympathique, mais décidément encore trop honnête pour ce genre de travail. Si les choses continuaient sur la même longueur d'onde, il se contenterait de vendre un objet pour une marge valant à peine le quadruple de sa vrai valeur. Daragonis s'avança calmement, puis haussa d'un seul coup la voix en levant les bras en l'air, faisant sursauter Bogas et le client.
- "Je vois que votre œil a été attirer par une de nos splendides tentures, elle semblent toutes sied parfaitement à la teinte estivale de vos drapés. Ce n'est probablement pas le genre de chose qui convient à tout les intérieurs mais vous êtes allez voir par là en premier..."
Bogas lança un autre grand soupir dont il avait le secret, en le masquant au client qui n'avait de toute façon d'yeux que pour Daragonis.
- "Hum... Sûrement... Je suis intéressé par l'achat d'une tenture et celle-ci m'intéressait."
Daragonis lança un regard en direction du vieux tapis répugnant qui intéressait le nobliau, une grosse larme coula sur la joue du draconide qui prit alors une mine attristé, alors qu'il prêta à nouveau attention à son cher client en tentant de rapidement reprendre son visage de commerçant souriant, en retirant rapidement sa larme d'un air gêné.. Bogas pris d'un seul coup un teint pâle et lança un regard inquisiteur au client, ce dernier fût pris d'un sentiment de panique, comme si il venait de faire le mauvais choix, et de mettre dans de mauvaise disposition son interlocuteur.
- "Je vais peut-être prendre celui-ci plutôt..."
Daragonis haussa d'un seul coup le ton, au point presque de hurler, et coupa violemment la parole en frappant le comptoir.
- "Vous n'en ferez rien ! Celle-ci est faites pour vous, et vous l'aurez ! A prix d'ami !"
Daragonis s'approche de la tenture d'une démarche énervée, puis se calma quelque peu pour la prendre soigneusement, de conserver les plis soigneux du drapé, des plis que seul Bogas savait faire, manier avec délicatesse des objets n'étant pas la spécialité du capitaine de la bicoque. Le client avait toujours cet air gêné par la situation, il ne semblait pas savoir quoi répondre.
- "C'est un drapé qui a été tissé à Fenduril, une immense cité bâtie en plein désert, cœur de la civilisation juste. Je l'ai récupérée lors d'une expédition au sud il y a quelques années. Pour sûr il a eu une sacré vie. A ce propos vous désirez peut-être que nous corrigeons les quelques défauts dans le drapé ? Le temps et le sable a légèrement attaqué la teinture, je suis d'avis que ça lui donne une histoire, une vie propre à l'objet mais peut-être que ce sentiment de voyage n'est pas l'idée que souhaite transmettre le hall que vous voulez habiller avec cette tenture."
- "Non, au contraire il est très bien comme cela..."
Un draconide adolescent rentra dans la boutique, la sonnette interrompant le client, qui se sentait encore plus pressé par cette présence soudaine.
- "Avec un objet chargé d'histoire de talent créatif, et importé de loin, je pourrais vous le vendre une fortune, facilement... 49 druck d'or. Mais je vous le cède pour 100 druck d'argent en moins. Je ne peux pas faire mieux."
Le visage du spécimen commercial en disait long sur sa rapidité à calculer à combien l'objet était vendu. Il semblait se retenir de compter avec ses doigts, pour éviter d'avoir l'air idiot, persuadé qu'il avait encore l'air de quelqu'un de respectable. Une fois le client parti et plutôt satisfait de son affaire, Bogas se retourna vers Daragonis.
- "Il est de Fenduril le tapis ?"
- "Je vais pas mentir sur quelque chose de vérifiable. Le sable est authentique, enfin ce n'est pas moi qui l'ai rajouté, contrairement à d'habitude. Et leur tapis ressemblent à ça, je crois, si ils utilisent des tapis."
- "...Tu l'as eu où ?"
- "Tu sais, le vieux juste qui a eu un accident y'a quelques temps, en ayant trébuché, et tombé tête la première sur un clou qui traînait dans son bateau ?"
Bogas prit un air dépité.
- "Tu pourrais pas juste les assommer? Où essayer d'être discret ?"
Daragonis ignora les soucis moraux de son ami, et se rappela de la présence d'un deuxième client dans la boutique, qui avait disparu. Le draconide bondit par dessus le comptoir et se mis à poursuivre ce deuxième spécimen. Il reconnu sa taille et la cape qu'il portait, alors qu'il tentait de se faire discret dans la foule. L'adolescent repéra cependant le marchand en train de lui charger dessus et abandonna la discrétion pour courir à toute allure.
Après une trentaine de secondes de poursuite, Daragonis projeta un vieux poignard rouillé qui vint se figer sur le mur devant le voleur, qui s'arrêta net et pris trop de temps à l'esquiver. Daragonis bondit sur ce dernier, le retourna et dégaina son épée couverte de rouille et de sang coagulé pour lui placer sous la gorge. L'adolescent tendit un sachet à Daragonis en lui faisant un grand sourire.
- "Je crois que c'est tombé de ta poche, requin fou."
Daragonis pris le sachet, se mit debout et releva l'adolescent, qui le regardait d'un air admirateur. Le grand draconide s'adressa à lui d'un air sérieux.
- "Requin fou ? C'était le nom merdique que les gosses des rues m'avaient trouvé à l'époque où je venais d'arriver et que j'entendais des voix... Ça fait plusieurs années que personne ne m'a appelé comme ça, depuis que j'ai amassé assez d'argent pour monter mon affaire... T'était l'un des gosses à qui j'ai appris à se battre ? Rakku c'est ça ?"
- "Oui requin fou ! Je suis devenu fort grâce à toi, je dirige d'autres petits, mais piller les étrangers c'est pas facile, on a juste de quoi manger."
Daragonis lança le sachet récemment volé par Rakku dans ses mains.
- "Et je t'ai pas appris à te battre pour que tu voles comme une merde, moi en plus. Ma lame me démange mais je suis certain que t'as plus à m'offrir vivant et avec tes deux mains. Pas vrai ? Tu veux un marché honnête gamin ? Tu voles des camelotes comme ça, tu me les rapportes, je m'occupe de les vendre et t'as la moitié du prix auquel j’arrive à les refourguer en druck. Garde le sachet il se vendait pas de toute façon."
Le sourire du gosse était encore plus radieux, comme si Requin fou avait transmis également sa folie et sa soif d'or aux enfants abandonnés de cette ville. Rakku partit en courant et disparu dans un coin de rue après avoir acquiescé à la proposition de Daragonis. Il doutait de l'efficacité des spécimens qu'il dirigeait, mais l'objectif était avant tout d'éviter ce genre de rapine, et de bien s'entendre avec eux, ils pourraient être une source d'information fort utile à l'avenir.