Gorfag - 1.0 - Jour de Paye

Regagnant les rues de la Fourmilière, l'activité quotidienne avait baissée d'un cran. Les éclairages avaient changés eux aussi, signe que l'heure avançait à l'extérieur et que la nuit serait là d'ici quelques heure. Le butin en poche, tu pouvais te laisser aller à faire une pause pour vadrouiller dans les lieux les plus animés du coin mais, ton estomac te guidait inlassablement vers de quoi te nourrir.

" Boucherie Tête-de-Porc;
Les meilleures boulettes de toute la cité !
Boucherie Tête-de-Porc;
Les seules boulettes de toute la cité !
Boucherie Tête-de-Porc;
Fournisseur de la haute société en viande !
Boucherie Tête-de-Porc;
La qualité à un prix abordable ! "

Sur le côté de la Salamandre, un gamin vêtu d'un grand tablier sale hurlait à qui voulait bien l'entendre de se rendre au Sud de la Boucherie de la Tête-de-Porc pour y acheter les meilleures boulettes de viande et saucisses du Nord d'Arathiel. Et pour un prix dérisoire à en croire le môme, seulement quelques sous la boulette ! Par contre il fallait être rapide car les stock n'étaient pas sans fin, et il y avait des limites pour la consommation des gens d'ici. Quelques commerces avaient fleuris le long des rues, étalant objets d'aventure et ustensiles du quotidien pour le plaisir des passants.

Plus loin, une patrouille de quatre Furets avançait, bousculant ceux qui se trouvaient sur leur chemin et reluquant les damoiselles. Ils grignotaient quelques champignons grillés "achetés" plus bas auprès d'un vendeur ambulant proposant aussi de la soupe. Quelque chose attira alors ton oeil, un grand nombre de personne tenaient des masques, en main ou en sac, il y en avait d'ailleurs partout à vendre, de tailles et de formes variés. Signe que bientôt, les humains fêterait la nouvelle année.

Un homme accompagné de son fils qui tenait l'étal sursauta presque alors que tu demandais ton repas. Il attrapa un bol en bois dans lequel il versa une louche de soupe, et il y rajouta un poignée de champignons secs. A bien y regarder la soupe ressemblait plus à de l'eau bouillie dans laquelle trempaient herbes et champignons. Heureusement la poignée de champignons secs venait donner un aspect plus comestible au potage, et même si le bol était plein il ne te ferait que deux ou trois bouchées.

" Il n'y a pas de pain ... heu .. Sire.
Ce sera 4 sous, et n'oubliez pas de me ramener le bol. "

Regardant autour de toi, tu remarqua que tu avais été servis avant certains clients, et qu'il y avait tout autours d'autres personnes assises contre la fontaine ou debout en train de consommer leur soupe. Après avoir terminé, ils venaient déposer le bol et la cuillère en bois dans un bac d'eau où le gamin les nettoyer avant de les donner à son père pour servir les autres clients. Certains grommelèrent en te voyant te faire servir, mais personne n'osa dire quelque chose de manière explicite ou trop forte pour se faire entendre.

Avec ton petit pactole en poche, rien ne t'empêchait de te refaire servir pour combler ta faim, mais il faisait aucun doute pour toi qu'il te faudrait au moins en reprendre deux fois avant de te sentir un peu satisfait.

L'homme te donna une deuxième portion tout en récupérant son paiement. Il ne te faudrait que peu de temps pour l'avaler et reprendre tes activités. La foule alentours se faisait plus légère et quelques personnes accrochaient par endroits des lumières signe des prochaines fêtes. Un groupe de gamin passa en courant, te bousculant légèrement pour aller jouer plus loin. Trois Furets plus loin questionnaient deux hommes à l'allure louche, probablement des gens des Capes dans le quartier pour quelques affaires louches. De plus depuis quelques minutes, il te semblait que des yeux observateurs ne te lâchaient pas. Tu avais beau jeter quelques coups d’œil discrets, impossible d'identifier la ou les personnes qui te surveillaient au milieu de la foule des rues. Cependant l'heure tournait et la nuit allait bientôt arriver, peut être qu'en pressant le pas tu pourrais rejoindre ta prochaine cible et même aller te payer une saucisse ou deux avant la fermeture de la Boucherie !

Descendant le Pas du Roi tu avais le choix de prendre par l'Allér de la Monnaie, la Sinueuse ou bien la rue des Boucheries, chacun rejoignant une partie du marché Elfique étendu sur deux grandes places dans la zone Sud de la Fourmilière, dévolue à la population non-humaine. Un coin que tu avais eu l'occasion de traversé plusieurs fois pour y trouver quelques regroupements d'Ogres capables de t'informer sur les dernières nouvelles et de t'en dire plus sur les travaux possibles dans cette partie éloignée du cœur de la cité sous la Montagne. Prenant la Sinueuse pour faire plus rapide, il t'arriva de croiser plusieurs enfants courant dans les rues ainsi que des travailleurs retournant vers leurs domiciles après avoir creusé et aidé à l'aménagement de nouvelles galeries. Quelques paysans des contreforts de la montagne rentrant aussi chez eux, après une difficile journée de travail dans le froid, préparant les prochaines récoltes en espérant qu'aucun dragon ne viendrait tout brûler et réduire ainsi leurs efforts à néant.

Après un belle petite trotte digestive, te voila arrivé dans la partie Ouest du marché. Très animé, comme souvent, de nombreuses lumières naturelles ou magiques éclairaient le lieu, lui donnant un aspect presque irréel. De nombreuses décorations fines et délicates ornaient les allées entre les étals elfiques et il était possible d'y trouver un très grand nombre d'objets utiles pour la vie quotidienne ou d'aventuriers. Par contre, pas d'armes ni d'armures en dehors d'équipement d’apparat. Tout une foule se bousculait pour acheter masques et déguisements fabriqués à l'aide de plantes ou de tissu simple, et pourtant avec une attention toute particulière. Il y avait des maquilleurs pour colorer les visages des enfants. Les vendeurs de champignons grillés et de soupe faisaient de bonnes affaires et les prix étaient même plus avantageux que plus au Nord de la Fourmilière.

Peut être par ta stature ou ton allure affamée que tu n'arrivais pas à dissimuler, les personnes à tes côtés semblaient s'écarter et t'observer d'un oeil méfiant. Il fallait dire qu'ici les gens se connaissaient et vivaient tous dans les habitations alentours, souvent regroupés en communautés raciales, chacun connaissant ses voisins et se montrant prudent à l'arrivée de nouvelles têtes, surtout inconnues. Le marchand Elfe à qui tu posa ta question haussa un sourcil, songeur, avant de hocher la tête de droite à gauche tout en te signifiant qu'il ne connaissait personne de ce nom. Cependant, si tu le souhaitais, il pouvait se renseigner pour lui faire laisser un message, après tout, même cette partie de la Fourmilière était vaste et quelqu'un devait bien connaître ton Maël.

Autour, les nombreuses personnes profitaient de la fin de la journée pour effectuer quelques achats avant de rentrer chez eux. Un acrobate humain effectuait quelques pirouettes, demandant la charité des spectateurs en échange de son divertissement. De la musique émanait de plusieurs étals depuis lesquels des Elfes jouaient de la flûte ou d'un petit instrument à corde. L'ambiance était calme et joyeuse, et il y avait de très nombreux objets de facture Elfique à acheter pour ceux désireux de se rapprocher de cette étrange culture sylvestre.

Le gamin observa la pièce un moment, s'imaginant peut être toutes les friandises qu'il pourrait s'acheter avec une telle somme entre les mains. Regardant sur sa droite puis sur sa gauche tout en levant la tête pour mieux observer les alentours, il reporta son attention sur toi en tendant sa petite main sale.

" Trouvé ! Si vous m'donnez la pièce j'vous l'montre !"

Affichant un regard malicieux le petit Elfe se gratta la tête tout un repositionnant le masque blanc qu'il tenait relevé comme un chapeau pour te parler. Plus loin, l'attroupement autour de l'acrobate avait laissé place au calme du marché et au passage des habitants du ghetto. En levant les yeux, tu remarqua que l'Homme qui faisait au par avant des pirouettes, se pressait de guider un Homme à l'allure guerrière et une jeune femme vers le Sud de la zone, l'Homme semblant sévèrement blessé sur son côté droit.

" Alors ? Vous voulez plus savoir où s'trouve Maël ? "

Quittant le gosse et te frayant un chemin dans le marché encombré malgré son calme, il se passa un instant pendant lequel les trois Humains que tu avais décidé de suivre sortirent de ton champ de vision. Avançant à grands pas vers le Sud tes narines sentirent l'odeur délicate du sang, te permettant d'orienter tes recherches dans la bonne direction mais sans grande précision. Passant un moment à chercher les Humains à la sortie du marché, quelques senteurs animales te tirèrent vers d'autres lieux tandis qu'une odeur dissimulée d'excréments de porcs et de volaille se faisait sentir bien plus au Nord. Un groupe de nains passa à côté de toi, échangeant quelques mots assez fort pour être entendus, et certainement pas des plus polis à ton encontre. Les cinq nains étaient tous armés et armuré de gilet de cuir, portant chacun un béret similaire de couleur rouge. T'observant longuement alors que tu marchais vers le Sud, ils finirent par t'interpeller.

" L'Ogre ! "

L'un d'eux s'avança, talonné de près par les quatre autres qui caressaient le manche de leur matraque ou de leur hache. L'air menaçant, le petit groupe ne semblait pas déconcerté par ta stature imposante ou ton apparence extravagante.

" Qu'est ce que tu viens faire par ici ? On t'a jamais vu dans le coin ! "

Les Nains t'observèrent sans vraiment paraître convaincus par ce début de réponse.

" Ah oui ? Et alors ? Tu comptais les attaquer dans le dos c'est ça ?
Trop lâche pour s'attaquer à un ennemi de ton gabarit ? "

Ricanant, les autres nains s'attendaient visiblement à ce qu'une confrontation éclate, sans cacher leur excitation. Crachant au sol, le nain qui te parlait fit un geste de la main pour balayer l'air devant lui et t'indiqua ensuite de sa main le Nord.

" Personne ne prend en chasse personne ici !
Alors si tu veux emmerder le monde, va le faire dans les capes, c'est tout au Nord, mais vu ta sale tronche je p'ense rien t'apprendre.
Sur ma barbe, nous autre marteaux vigilants, on laissera pas se commettre de crime ici chez nous ! "

Te fixant d'un regard déterminé, le nain qui avait son autre main sur son arme ne donnait pas l'impression d'être un grand guerrier. D'ailleurs, à en juger par le malaise qui se dégageait de lui et de la sueur qu'il perlait de son front, il ne faisait pas grand doute pour toi que tu avais à faire à une milice de quartier. Même s'ils n'était pas formés pour la guerre et le combat comme tu pouvais l'être, ils avaient l'avantage du nombre et leur état entre excitation, énervement et crainte en faisait des ennemis qui pouvaient se révéler redoutables dans une confrontation frontale.

Gardant leurs distances en te voyant adopter une attitude plus affirmé, les Nains réagirent à ta menace par des rires gras accompagnés de fanfaronnades. Loin d'être enfantines, elles portaient presque toutes sur le thème des relations que deux mâles Ogres pouvaient entretenir dans l'intimité, relations que tu avais assurément suivis avec assiduité et avec de nombreux compagnons, certainement même des Hommes d'après leurs dires. Sans te laisser prendre trop de distance, les Nains te suivaient de près, tapotant les manches de leurs haches afin que tu puisse bien l'entendre. Ils n'étaient pas question pour eux de te laisser tranquille et il avaient l'intention de te le faire comprendre.

Intimidation:

Après quelques minutes de marche en descendant le Parcours d'Ilamil, tu aperçu à quelques dizaines de mètres le fameux trio devant ce qui devait être un dispensaire Elfe. Le guerrier portait maintenant un bandage que tu pouvais discerner sous les morceaux déchirés de sa tunique; et s'il n'était toujours pas en grande forme, il était tout de même capable de se tenir debout avec plus d'aisance qu' par avant. Devant la petite bâtisse, là où la route se faisait plus large, ils parlaient mais à cette distance il t'était impossible de savoir de quoi. Peu de monde se trouvait par ici et il ne devait y avoir qu'une dizaine d'yeux observant eux aussi le passage des piétons. Le saltimbanque attrapa sa gibecière qu'il posa au sol, se mettant accroupi au dessus, il en extirpa une bourse visiblement assez remplie pour pouvoir bien manger quelques jours ainsi que deux morceau de parchemin. Il rangea la bourse et tandis les papiers en direction du guerrier.  Derrière toi, les Nains étaient toujours présents, parlant entre eux et t'observant de leurs petits yeux, attendant surement de te voir faire un geste violent à l'encontre d'un des habitants du Ghetto.

Le temps de faire quelques pas, le trio c'était séparé, en effet le saltimbanque avait donné deux papiers au guerrier avant de partir vers l'Est. L'homme et la jeune femme avaient commencés à marcher et rapidement vos pas se croisèrent et tu profita du moment pour les interpeller. A cette distance tu pouvais les observer avec plus d'attention, l'homme était bien battit et devait être un costaud à en juger par la largeur de ses épaules et son allure de combattant. Ses vêtements portaient encore les traces d'une blessure récente sur le côté droit sous des vêtements trop biens taillés pour être communs. Il portait aussi un fauchon sur le côté, qu'il tapota instinctivement lors de ton approche, il ne faisait aucun doute qu'il était sur ses gardes face à toi, mais qui ne le serait pas. La jeune femme semblait plus discrète, portant des vêtements simples de couleur sombre de manière à pouvoir facilement se dissimuler dans les ombres des rues et des ruelles de la fourmilière. Sans attendre, l'homme leva les yeux sans montrer le moindre signe de peur, il ne semblait à ci titre pas le moins du monde impressionné par ta stature.

" Bonjour Monsieur. Nous sortons en effet d’une situation gênante, mais tout est réglé et va presque pour le mieux maintenant. Nous nous retirons uniquement pour que je puisse me reposer. " Puis, fronçant les sourcils en direction des nains agités, il rajouta :
" Et vous ? Avez-vous besoin d’aide avec ces personnes ? "

La jeune femme était allée se glisser dans le dos de son compagnon, elle était elle bien plus intimidé par ta présence. Elle ne cessait d'ailleurs de jeter des regards inquiets vers toi, puis les nains, puis son compagnon, puis les rues et ruelles proches, peut être à la recherche d'un moyen de fuir une issue violente entre vous.

Avant même que l'homme n'eut le temps de te répondre, sa compagne fit un pas de côté pour sortir de son dos et te lança une question très directement. "Qu'est-ce que tu nous veux, toi, plutôt ?" grinça t'elle d'un ton clairement hostile. Elle semblait visiblement peu encline à suporter ta compagnie pour un temps plus long et ne cachait aucunement le peu de confiance et de crédit qu'elle t'accordait. Son compagnon fit mine au mieux de ne pas sembler étonné de la réaction de la jeune femme mais il dissimula mal sa surprise. Dans leur coin, les nains à l'entente de ce haussement de ton firent quelques pas dans votre direction et, tu remarqua alors que l'un d'eux était en train de griffonner à l'aide d'un morceau de fusain quelque chose sur un petit morceau de papier.

Un groupe d'Elfes qui passait s'écarta brusquement au même moment, presque effrayé par cette manifestation soudaine d'agressivité verbale. L'un d'eux vous jeta un regard dédaigneux tandis que les autres firent de leur mieux pour vous ignorer, ou faire semblant de vous ignorer. Des gamins passèrent en riant, bousculant les Elfes qui pestèrent doucement tandis que les garnements filaient vers l'Est.

T'adressant un légers sourire, l'homme s'adressa alors à toi d'un ton qui se voulait assez formel et d'un timbre toujours neutre.

« Je vous remercie de votre attention mon bon Monsieur et nous avons en effet déjà eu affaire à de tels coupe-jarrets. Mais comme vous pouvez le voir, nous sommes tous les deux fatigués et avons hâte de rentrer. Hormis si ces Nains vous posent un problème immédiat où je me ferais un plaisir de vous aider, nous allons nous retirer. »Il marqua une petite pause en toisant les Nains d’un regard inquisiteur avant de replonger ses yeux dans ceux de l’Ogre.

« Si jamais vous avez besoin d’assistance dans l’avenir, n’hésitez pas à solliciter le Comte Peter Oswald, Chevalier de la Couronne d’Hiloroth aux postes de frontières de la fourmilière si vous n’avez pas de laissez-passer sinon vous pourrez trouver ma demeure dans le fer à cheval. Les gardes me connaissent. Vous avez accompli votre devoir citoyen en venant vous acquérir de ma santé, laissez-moi donc vous rendre un service plus tard. »

Là-dessus, il se retourna vers sa compagne qui te regardait toujours d'un air suspicieux et tous d'eux continuèrent leur route vers le Nord pour regagner le marché elfique. Il quittèrent ton champ de vision pour se perdre dans la foule, mais tu avais maintenant un nom et surtout deux visages en mémoire. Derrière toi, les cinq nains ne semblaient toujours pas enclin à te laisser tranquille.