Grogmar -2.0- L'heure de la punition

Afl et les trois Humains avaient traversé le barrage dans une tension extrême, Grogmar l'avait bien senti. Ils s'étaient engouffrés tous les quatre dans un chemin très large, comme si il avait été creusé par un lombric géant. Le chemin s’appelait la Descente, à raison car le dénivelé semblait assez important. L'odeur de l'air avait vite changé, les odeurs de sueurs, de moisi et d'urine auxquelles Grogmar avait finit par s'habitué s'étaient évanouies au profit d'une senteur étrange de... roche. Une odeur sèche et acide mais qui semblait être du parfum de rose après celle de la Fourmilière. L'air était aussi plus chaud, bien que cela soit encore très supportable.

Finalement, Grogmar avait déboulé dans la Ruche, premier des vrais quartiers d'Hiloroth. Ici, rien n'était semblable à ce que le Techno-mage avait vu de la cité. Les rues étaient droites, comme si elles avaient été tracées à la règle, et elles étaient très bien éclairées : des rangées de lanternes étaient suspendues à des lampadaires aux arabesques métalliques, et ce à intervalle très régulier.
La population, elle, était aussi très différente. Il n'y avait plus de mendiants, plus d'enfants crasseux qui couraient dans tous les sens, et encore moins de saoûlards avinés qui pataugeaient dans leur vomi. Tout le monde était habillé plus ou moins convenablement, et toutes les ethnies étaient représentées. Grogmar ne trouva pas non plus l'ombre d'un Furet, à la place, des gardes montaient et descendaient les rues, allant par deux.

Afl bifurqua tout de suite par la droite et fit s’engouffrer le groupe dans une rue qui allait tout droit. Les maisons, toutes taillés directement dans la roche présentaient des murs droits et unis, parfois décorés de quelques runes que Grogmar ne parvint pas à déchiffrer. Les portes, rondes et en pierres semblaient très petites, le Techo-mage y auraient passé la tête de justesse. Les quatre personnages passèrent entre deux habitations, dans une toute petite ruelle au plafond rocheux très bas.

Afl finit par s'arrêter. Il semblait très nerveux, et regardait autour de lui comme si un Dragon allait surgir de nulle part. Ils se trouvaient dans une impasse. Très silencieuse, elle n'abritait aucune autre âme à part celles de Grogmar et ses ravisseurs. Les maisons n'avaient aucune fenêtre, et une seule lanterne jetait un chiche éclairage sur les environs. Du reste, une odeur désagréable planait mollement et la propreté des lieux laissait franchement à désirer.

Le Nain jeta un regard dur à Grogmar.

— "On y est enfin. On peut dire que c'était chaud, à l'entrée d'Hiloroth. Je ne m'attendais pas à ce qu'un de ces foutus gardes soit là. D'habitude ce sont les Furets qui tiennent le passage... M'enfin, bref, aucune importance maintenant. Ton chemin continue par là bas, déclara Afl en montrant du doigt le bâtiment tout au fond de l'impasse. Une maison minuscule s'y serrait entre sa voisine et la roche. Sa façade était sale et sa porte n'était pas en pierre mais en bois de piètre qualité.

On ne peut pas t'accompagner plus loin, nous ne sommes pas des rias de l'Ordre, juste des petites mains. Notre présence là bas serait malvenue... Mais n’espère pas jouer au plus malin, on va quand même s'assurer que tu passes cette maudite porte. Alors vas-y, ne te retourne pas, et entre !"

De là où il était, Grogmar apercevait un message cloué à la porte minable :

"Si vous ne disposez pas de papiers officiels tournez les talons ou entrez à vos risques et périls"

L’intérieur du bâtiment était glacial. Grogmar avait l'impression de s'être trouvé dans une cave humide, mais en beaucoup plus vaste. En fait, il semblait au Techno-Mage que la salle était bien plus grande qu'elle ne l'aurait-du. Plus ronde que carrée, c'était un hall complètement vide si on exceptait quatre piliers de pierre austères qui montaient jusqu'à la voûte du plafond. Il n'y avait aucune porte à part celle que Grogmar venait de franchir.

Il y avait eux, et ce comptoir de pierre grisâtre derrière lequel se tenait une femme. De la taille de Grogmar, elle arborait une large toge de couleur émeraude. Des cheveux d'un blond étrange, presque vert, formaient un chignon complexe au sommet de son visage en forme d'ovale. Elle aurait surement pu être jolie si elle n'avait pas un air plus glacial que la température frigorifique de la sale.
L'inconnue se leva d'un bond et foudroya le Techno-mage avant de s'aviser qu'il était enchaîné, et qu'un tatouage ornait son poignet. Rien ne transparu pourtant sur son visage et elle se contenta de questionner d'une voix de glace :

"Qui êtes vous ? Qu'est ce que ça signifie ?"

Dés:

— "Le Guetteur Camille ? Un instant, ne bougez surtout pas."

Le ton sonnait comme un avertissement. En gardant un œil suspicieux sur Grogmar, elle sortit de derrière le comptoir un livre très épais et frappé du symbole de l'Ordre, une spirale à cinq branches de couleurs différentes. Très rapidement, elle feuilleta quelques pages, comme si elle connaissait l'ouvrage par cœur, puis finalement son index s'arrêta sur un paragraphe qui avait l'air semblable à tous les autres. Elle lu à voix haute.

"Grogmar, ancien Ria de l'Ordre, issu de l'école de Falryn et formé à l'art des enchantements d’ingénierie. Elle referma l'épais volume et le mit calmement de coté. Bon retour chez vous, frère d'Essence. Pour autant, je ne sais pas quelles sornettes vous êtes en train de me servir mais il n'existe aucun Guetteur se nommant Camille. Si vous aviez été un adepte des magies interdites, jamais un Guetteur ne vous aurai laissé seul, même avec ces chaines.

Le regard de la Ria continuaient de briller d'un éclat glacial, mais son ton c'était semblait-il radouci. Un tout petit peu.

Dés:

Soudainement, une lumière illumina la pièce et auréola la magicienne comme si elle avait été l'âtre ardent d'une cheminée. Grogmar sentit la froideur et l'humidité chassée de la surface de sa peau, et tout son corps fut enveloppé par une onde de chaleur. Ce n'était pas vraiment désagréable, mais le Techno-mage senti que quelque chose grouillait dans sa cervelle, comme si quelqu'un faisait le tri dans ses idées.

— "Je ne détecte pas de mauvaises intentions en vous, Grogmar. La voix de la magicienne avait perdu toute sa froideur, il cru même voir l'ombre de la compassion passer sur son visage. C'est moi qui suis désolée, et je parle au nom de l'Ordre tout entier. Il semble que vous ayez été manipulé, effectivement. Mais nous ne pouvons pas en rester là, il faut éclaircir cette inquiétante affaire, d'autant plus que vous n'êtes pas le premier magicien à nous arriver dans de telles conditions..."

La chaleur et la lumière s'évanouirent en même temps, mais la froideur ne les remplacèrent pas pour autant. En fait, Grogmar se rendit compte que le hall n'avait plus rien de semblable à ce qu'il avait vu en entrant. Les piliers étaient en verre taillé à la perfection, et projetaient leurs reflets à travers un sol de marbre teinté de mille variantes de gris. Les murs étaient d'une pierre bleue et lisse, comme si elle avait été polie des années durant. Des moulures dorées et des arabesques ciselées décoraient le tout. Enfin, des dizaines de lustres imposants jetaient sur les lieux un éclairage que toutes les torches de la Fourmilière réunies auraient eu du mal à atteindre.

Grogmar s'avisa qu'en plus de celle qu'il avait emprunté pour entrer, il y avait trois autres portes. Grandes et bardées de charnières aux motifs complexes, il y en avait une a droite, une a gauche, et une au centre, juste derrière le bureau de la magicienne.

"Vous êtes libre, Frère d'Essence. Il faudra détailler toute cette histoire à Fedor Artorius, et le plus vite sera le mieux. Mais pour le moment, vous êtes sans doute affamé ou fatigué. Je vais faire préparer une chambre pour vous. Nous verrons tout ce qui doit l'être demain. Les cuisines sont là (elle désigna la porte de droite), si vous avez besoin de vous restaurer. Sinon la Nacelle juste derrière moi vous conduira aux divers étages : chambres, salles s'entrainement, bibliothèque et tout le reste... Quant à ces chaînes, je ne peux rien faire ici, mais allez voir Eudes à la Forge, il vous fera sauter ça en une seconde. Bienvenue à l'Ecole de Quartz."

— "La Nacelle, oui. La forge se trouve au troisième sous-sol, comme tous les ateliers. Vous allez voir que l'Ecole de Quartz est un peu... labyrinthique. Lorsque l'on ne la connait pas du moins. "

La magicienne retourna à ses papiers tendis que Grogmar continuait son chemin. Vu de près, la porte conduisant à la Nacelle était plus richement ornementée que tout ce qu'il avait pu voir dans la Fourmilière. Elle était d'un bois sombre, presque noir et qui semblait très épais. Les charnières étaient d'un acier peint d'un bleu d'azur et se prolongeaient en traverses qui s'enroulaient pour créer un motif ; la forme très stylisée d'un cristal, comme celui qui figurait sur le tatouage de Grogmar.
Quand il appuya sur la poignée décorée d'une spirale d'argent, tout se brouilla autour de lui. Il fut plongé dans une brume noire et bleue, agitée comme une tempête. Ses jambes vacillèrent et une terrible nausée s'empara de lui. Le Techo-mage faillit s'évanouir quand le brouillard trouble s'évanouit d'un coup.

Il se trouvait dans une salle beaucoup plus petite que le Hall. Sans aucune décoration, les murs étaient pareils à la roche habituelle d'Hiloroth. En fait, la "pièce" n'avait ni sol ni plafond. A leur place s'ouvrait une abîme qui semblait sans fond.
Au centre, il y avait la Nacelle. Suspendue dans le vide par des chaînes, elle avait l'air d'être en argent. Travaillée comme une véritable dentelle, le maître forgeron qui l'avait crée devait être renommé dans tout Arathiel. Il n'y avait aucun mécanisme apparent pour manœuvrer l'engin, à part un levier qui descendait ou montait.

Il y avait un homme dans la Nacelle. C'était un Elfe dans une robe grise, le sourire aux lèvres.

— "C'est la première fois que vous passez une porte de l'Ecole, n'est-ce pas l'ami ? Ce n'est pas votre air maladif qui dira le contraire ! Vous verrez, dans une semaine ça ne vous perturbera pas plus que de respirer.

En tout cas, je suis content d'enfin croiser quelqu'un ici, d'habitude je suis seul. Il faut croire que tous les jeunes Rias sont en vadrouille je ne sais où ! Enfin...

Où descendez-vous, frère ? Et surtout qu'est ce que vous faites affublé de ces chaînes ? Je n'ai jamais entendu parlé d'une telle mode vestimentaire, même à Hiloroth..."

L'Elfe paru surpris que Grogmar lui tende la main — ou plutôt les mains. Mais il n'hésita pas à répondre par une empoignade chaleureuse.

— "Oh, je suis Loë. Loë Grisebranche." C'était un Elfe tout ce qu'il y avait de plus commun. Des longs cheveux d'or très clair encadraient son visage ovale et lisse. Loë avait l'âge de Grogmar environ, enfin c'est ce que laissent présager les apparences. Je ne doute pas que vous serez bientôt libre de vos mouvements, Grogmar. J'aimerai pouvoir vous aider mais hélas je ne sais rien y faire avec le métal. Mais j'ai croisé des Ria pouvant le fondre ou même le faire disparaître.

Je ne sais pas où se trouve la Forge, j'ignorai même qu'il y en avait une. Je ne suis ici que depuis trois jours et pour tout dire, je me suis déjà perdu plus qu'à mon tour. L'école est très vaste, elle s'étend sur plusieurs étages mais la plupart nous sont invisibles, car nous ne somme que de simples Ria... La Nacelle descend jusqu'à des étages très profonds, mais nous pourrions descendre toute une année sans les voir, à moins qu'une autorisation magique modifie l'enchantement pour que nous puissions y accéder.

Moi, je ne m'arrête qu'au deuxième étage, aux Chambres. La Forge se situe surement à l'étage d'en dessous, où il y a plusieurs ateliers..."

Tout en finissant ses explications, Loë enclencha le levier vers le bas, et la Nacelle se mit à descendre doucement et silencieusement.

Une ombre passa sur le visage de Loë, tout d'un coup, il paru beaucoup plus vieux que Grogmar.

— "Je ne souhaite pas parler des Elfes. Dit-il d'un ton sec et un rien résigné. Il haussa les épaules. Les autres peuples, à vrai dire je n'en ai pas beaucoup de nouvelles non plus. J'ai du passer un an dans la Fourmilière mais étrangement, c'est là bas que j'en ai appris le plus. Vous êtes surement au courant qu'une nouvelle Race à été découverte ici ? Les Amphibien, ou les Anciens disent certains. Ils seraient peut être les descendants d'un peuple légendaire qui vivait sur le monde avant les Hommes ? Pour ma part j'y crois... En tout cas, j'aimerai y croire.

Les Minotaures et les Hobbits n'ont pas complètement disparus d'Arathiel aussi, si l'on en croit les rumeurs. Je ne fais jamais complètement confiance à ce genre de baliverne mais j'ai vu de mes propres yeux les Hommes à tête cornue dans la Fourmilière. Ils sont quelques-uns à être arrivés avec l'armée d'Arguesian, ce mystérieux baron renégat... Les Hobbits, eux, je ne les ai jamais croisés mais toute la ville dit que l'auberge du Troll  Barbu est tenue par un couple de petites gens, peut être le dernier du monde...

Loë haussa de nouveau les épaules et sembla penser à des choses très lointaines.

Dès que j'en aurai le temps, j'irai vérifier ces rumeurs moi même. La compagnie des Hobbits me manque terriblement. Elle manque terriblement au monde d'aujourd'hui, d'ailleurs..."

La Nacelle ralenti doucement, de plus en plus avant de s'immobiliser au niveau d'un pallier creusé dans le gouffre menant jusqu'à une porte flanquée de deux torches.

"C'est ici que je m'arrête. La soirée m'a épuisé et j'avoue avoir besoin de repos pour continuer mes leçons demain. J'avais oublié à quel point les apprentissage de l'Ordre étaient éprouvant. Nous nous reverrons surement plus tard Grogmar..."

La femme eu un rire radieux et sembla examiner Grogmar comme il il avait été nu comme un vers. L'air exagérément pensif, elle se pinça le menton.

— "Il semble effectivement que vous soyez du deuxième type d'Homme, frère Grogmar. Dit-elle en montrant la porte frappée d'une enclume, à quelque pas de là. Elle sourit de nouveau. La forge est juste ici... Quant aux cours, j'en fais un certains nombre. Surement trop d'ailleurs. On m'appelle Tissaya ici. Si l'envie vous prenait de vouloir ajouter quelques sorts à vos poches, nous nous croiserons surement... En attendant, essayez de ne rien casser et surtout de ne rien vous casser, une forge est un endroit périlleux pour les étourdis et les maladroits ou les rêveurs !

Tissaya rit de nouveau et esquissa l'ombre d'une révérence au Techno-mage avant de s'en aller vers la Nacelle.

Grogmar poussa la porte, le même brouillard l'enveloppa toujours. Son estomac s'indigna et ses jambes voulurent se dérober, mais le Techo-Mage tient bon. Assez vite, le tourbillon violacé s'en alla de lui même.

Une odeur de métal et d'iode s'empara des narines du magicien. La lumière était très forte et il eu l'impression qu'on avait mit le feu à ses prunelles, il n'avait pas vu cette lumière depuis des semaines et des semaines, il l'avait presque oubliée... la lumière du jour. En soulevant une paupière, Grogmar s'aperçut qu'il se trouvait dans une vaste grotte ouverte sur un coté, elle semblait creusée très haut dans la montagne et surplombait la mer. Immense et rougeoyante dans le crépuscule qui commençait à tomber, elle s'étendait au loin jusqu'à former un horizon droit et impassible. Le ciel était rose et marron, seul un tout petit nuage et quelques étoiles osaient s'y aventurer.

La caverne, elle était d'une propreté impeccable. Une large table octogonale en acier occupait le centre, brillante comme si elle venait d'être nettoyée à l'huile. A droite, une quantité incroyable d'outil s'alignait sur des râteliers et des établis, le tout rangé au pouce près. A gauche, la forge à proprement parler rougeoyait de mille braises, l'énorme soufflet actionné par un homme un peu plus petit que Grogmar. Rasé de près, son visage était rectangulaire, et surmonté de cheveux grisonnant et tressés en arrière. Âgé d'une cinquantaine d'année voire plus, l'homme avait la peau tannée, quasiment d'une couleur de cuivre. Un épais tablier lui recouvrait tout le torse et tombait jusqu'à ses bottes. Pourtant de profil par rapport à la porte, il ne semblait pas avoir vu Grogmar.

L'homme ne se retourna pas, et ne répondit pas plus à Grogmar. Une éternité sembla passer alors qu'il continuait à actionner le soufflet avec une grande concentration, comme si le moindre ratage lui coûterait la vie.

Grogmar sentit soudain l'Essence envelopper le forgeron. Les braises changèrent, le Techno-mage ne sut pas en quoi, mais il percevait quelque chose de différent, comme si la combustion s'était arrêtée... sans s'arrêter.
Sans se retourner vers son interlocuteur, l'homme marmonna d'une voix très sèche.

— "Bien sur que tu me déranges, Grogmar ou quel que soit ton nom. J'ai autre chose à faire que réparer les bêtise des apprentis".

Ceci dit, l'homme se retourna vers Grogmar. Ses yeux étaient d'un rouge bien trop ardent pour être humain. Il foudroya le Techno-Mage d'un regard peu amène mais prononça une formule an Ancien en exécutant des mouvements de ses gros doigts d'une incroyable complexité. Le jeune ria ne senti rien, ou plutôt, il senti que plus rien ne l'entravait ; la chaîne avait tout simplement disparue, comme volatilisée dans l'air sans un bruit.

Le forgeron fit une moue de dégoût, comme si il avait avalé quelque chose de périmé.

"Du fer infect, aussi impure et sale que du sang d'orque, comment peut-on oser forger quelque chose d'aussi dégouttant... Demanda t-il sur un ton qui n'était pas celui d'une question.

Quoi qu'il en était, les poignets de Grogmar l'élançaient un peu, mais il pouvait maintenant bouger.

Le forgeron retira ses gants et les glissa soigneusement dans la poche ventrale de son tablier. Il examina Grogmar de pieds en cap d'un regard rouge et très dur.

— M'aider, hein ? Je me de demande bien comment. Il soupira, regardant encore plus intensément le Techno-mage. Oui, peut-être.

L'homme se retourna vers une étagère qui se prolongeait sur une bonne partie du mur qui faisait face à la forge. Il s'y trouvait tout un tas d'objets. Des armes, des outils et des artefacts étranges que Grogmar n'avait jamais vu. Mais le Techno-mage en savait bien assez pour comprendre qu'une bonne partie de ses objets étaient cassés ou en piteux état.  Le forgeron sortit une curieuse horloge minuscule, reliée à un collier de petites perles qui avait plutôt les dimensions d'un bracelet. Le jeune magicien avait déjà vu ce genre d'objets. Très rares car très complexes, on les appelait "montres". Seuls les Nains de Bershmerk savaient concevoir ce genre de choses.
Le forgeron approcha l'objet des yeux de Grogmar.

L'Arpenteur Tim Illumi m'a confié ça. Elle est défectueuse et n'indique plus les heures qu'elle devrait. Bien sûr, je pourrai m'en occuper moi même mais je suis forgeron, pas machiniste... Ça me prendrait du temps, et le temps est précieux. Crois-tu pouvoir t'en occuper bonhomme ? Mais soudainement la main du forgeron se replia sur l'objet et il jeta un nouveau regard dur au Techno-Mage. Attention, pas de pêché d'orgueil avec moi ! Si tu ne t'en sens pas capable, dis le clairement et passe ton chemin. Je n'ai pas besoin que quelqu'un l'abîme plus qu'elle ne l'est déjà. Son propriétaire me harcèle déjà assez comme ça.

Dés:

Même si Grogmar n'était pas né de la dernière pluie en matière de rouage et de mécanismes, la petite montre se révéla être d'une infinie complexité. Un néophyte n'aurait assurément rien compris à cet amas de roues, de ressorts et de minuscules rivets. Les Humains n'étaient pas capables de telles prouesses. Du reste, le gousset était fait de matériaux luxueux ; des métaux nobles d'une remarquable pureté. Cet objet devait bien valoir un pâté de maison de la Fourmilière...

Dehors, le crépuscule tombait pour de bon, jetant un voile pourpre sur le ciel et la mer, toujours aussi calmes. Une série de puissantes torches permettait tout de même à Grogmar d'y voir quelque chose. Les rouages paraissaient en bon état mais quelque chose clochait, il y avait du jeu. Pas grand chose, mais il suffisait surement qu'un rivet se soit déplacé d'un millième de pouce pour que toute la machine dysfonctionne. Un ingénieur nain aurait sans doute pu faire quelque chose, mais Grogmar n'était qu'un humain, aussi expérimenté soit-il.
Y passer des heures aurait peut-être réglé le problème mais la journée touchait à sa fin, Grogmar avait les poignets en purée — ce qui n'arrangeait surement pas son examen de la montre —, et son estomac commençait à sérieusement gémir.

Le forgeron avait compris que le Techno-mage ne pourrait pas régler le problème en une minute. Il renifla.

"Pas simple, hein bonhomme ? Je t'avais prévenu. Cette montre vient de Bershmerk, de l'Horlogerie de Maître Rift Tiquerald, une sommité parmi les ingénieurs nains. Ce n'est pas à la portée de tout le monde de comprendre ce qui se passe là dedans.

Reviens demain si tu n'as rien de mieux à faire, à la lumière du jour et la tête bien reposée, tu arriveras peut être à mieux faire."