Grogmar -2.0- L'heure de la punition

Le forgeon n'esquissa pas l'ombre d'un geste pour retenir Grogmar, bien au contraire, il en profita pour apostropher deux magiciennes qui passaient par là pour leur parler du temps.

Dans le Hall, la Ria de l'acceuil était toujours là, telle une statue derrière son pupitre. Aucune trace en revanche du vieil homme qui était descendu avec lui. La plupart des magiciens étaient des apprentis qui regagnaient leur chambre. Tous assez jeunes, ils était faciles à reconnaître, ne serait-ce que par leur démarche beaucoup plus incertaines que les vrais magiciens. De ceux là, il y en avait aussi aussi dans le Hall, sortant du réfectoire le ventre bien plein et se dirigeant vers la Nacelle comme Grogmar.

Ce dernier pressa la serrure de la porte centrale et après une seconde de brouillard pourpre, il se retrouva devant la Nacelle. Il n'était pas seul cependant, dans la Nacelle se trouvait la magicienne blonde et son compère carré qui l'avait réveillé. Grogmar remarqua que l'homme avait la lèvre fendue et qu'elle saignait.

Avant que les deux magiciens n'aient eu le temps de dire quoi que ce soit, Grogmar traversa la porte et son tourbillon violacé. Il se retrouvait dans la Nacelle. Cette fois, il y avait d'autres Rias avec lui. Tous se frottaient la panse en parlant de sujets plus ou moins frivoles. Grogmar descendit parmi eux à l'étage des chambres.

Cette fois, la salle commune était beaucoup plus animée. Une partie des chaises et des fauteuils étaient occupés, des Rias de toutes sortes conversaient, lisaient, buvaient des tisanes ou fumaient du tabac à pipe. Personne ne faisait plus de bruit que la convenance l'exigeait en ce lieux et à cette heure, d'ailleurs, certains magiciens baillaient au corneilles et semblaient, comme Grogmar, prêts à aller se coucher. D'autres au contraire levaient les yeux pour l'observer avec une insistance étrange.

Soudain, il vit Loë Grisebranche, l'elfe croisé plus tôt dans la journée, venir vers lui. Il avait l'air hésitant mais s'approcha quand même.

"Bonsoir Frère Grogmar. Comment s'est passée ta journée ? Son visage s'éclaira d'un timide sourire. Je vois que tu as finit par te débarrasser de ces horribles chaines, je suis content pour toi. Tu sais qu'on parle beaucoup de toi ce soir ? "le nouveau venu qui s'est invité à la table de Void" Ai-je entendu plusieurs fois au réféctoir. J'y étais aussi mais, heu... Il semblerait que tu ne m'ai pas vu, où que tu étais fâché".

Le visage de Grisebranche parut s'illuminer. Il lissa machinalement le fil de barbe blonde qui prolongeait son menton.

— "Tant mieux alors, tant mieux. J'ai cru que nous étions partis sur de mauvaises bases. Pour vos travaux à la Forge, je suis sûr que vous vous en sortirez, je ne connais pas Eudes mais on dit que c'est un forgeron assez caractériel, je ne suis pas sûr d'avoir vraiment envie d'avoir affaire à lui, déjà que le feu et le métal ne sont pas mon fort... ".

Presque imperceptiblement, l'elfe jeta un oeil au sol, comme si il espérait voir à travers, jusqu'au plus profond de l'école.

Quant aux ténors de l'école de Quartz, je conçois certes que certains d'entre eux gagneraient peut-être à plus de tempérance, mais ne les jugez pas trop sévèrement Grogmar. Vous n'imaginez pas le nombre de responsabilités qu'ils doivent endosser, en plus de s'occuper de plus de deux cents Rias et apprentis... Je peux vous dire qu'un certains nombre de ces derniers sont des concentrés d'irrespect et de vanité, se croyant l'élite de l'élite parce qu'ils savent manipuler l'essence. Il soupira et secoua mollement la tête. J'en côtoies beaucoup, passant une partie de mes journées aux salles d'apprentissage. Je suis décidé à améliorer mes sorts de guérison... Mais il commence à se faire tard, je vois que vous avez l'air fatiguer, je ne voudrais pas vous priver de sommeil, nous savons nous autres magiciens à quel point il est précieux.

Loë salua Grogmar avec bienveillance et s'en alla lui même dans sa chambre, qui était juste à coté de la sienne. Mais quand Grogmar poussa la porte, Il se rendu compte qu'un certain nombre de chose avait changé. La chambre qu'il avait quitté était en désordre, mais celle qu'il retrouvait maintenant était véritablement sans dessus dessous, la literie avait été démontée dans tous les sens, les robes du colocataire de Grogmar étaient éparpillées un peu partout, les trois quarts des objets sur son étagère avaient disparu.
Les malles au pieds des deux lits étaient ouvertes et vides, même si Grogmar n'avait rien entreposé dans la sienne.

Dés:

A l'exclamation de Grogmar, les magiciens présents dans le Hall levèrent la tête, passablement surpris. Bien que certains hésitèrent, personne ne se leva franchement pour s'élancer à la suite du Techno-mage. Ce dernier cru même entendre de ci de là quelques murmures : "C'est le nouveau !" ; "Il est peut être somnambule, qui sait ?"

Loë, lui, avait disparu quelques secondes plus tôt dans sa propre chambre et Grogmar savait très bien pour avoir — très brièvement — dormi dans la sienne que les murs épais étaient très insonorisés.

La porte de la Nacelle s'ouvrit pour laisser passer un groupe de magiciennes qui remontaient, très surprises de voir Grogmar dans un tel état d'empressement. La porte se referma, laissant le Techno mage seul dans la Nacelle qui descendant silencieusement.

Elle s'arrêta dans le Hall d'entrée et ses piliers de verre. Il y avait toujours autant de monde que quelques minutes plus tôt. Parmi la foule, Grogmar aperçu ceux qu'il cherchait. La magicienne aux cheveux blonds et son compère à la mâchoire carrée. Il s'apprêtaient apparement à quitter les lieux et avaient l'air plus que pressés, la femme tirant l'autre Ria par le bras pour le forcer à aller plus vite.

Mais la Magicienne de l'acceuil, d'ordinaire assisse derrière son pupitre, s'était levée et regardait aussi le duo sur le point de partir.

"Non, attendez Mathilda... vous ne me dites pas tout... qu'est ce qui se passe ? Il faut soigner Romuald, il saigne de plus en plus, vous voyez bien..." Sa voix avaient une partie de la même froideur qu'elle avait eu avec Grogmar lors de son arrivée ici.
Grogmar s'avisa que le visage de l'homme avait une nouvelle contusion sanguinolante sur la pommette droite. Pourtant, ils pressaient la poignée de la grande porte...

Cette fois, tout ceux qui étaient présents réagirent tout de suite. La magicienne de l’accueil quitta précipitamment son pupitre pour se diriger vers la porte. D'autres magiciens alertés emboîtèrent le pas à Grogmar, certains "dégainant" déjà des sortilèges diverses, prêts à frapper.

Le Hall n'avait jamais résonné d'une telle cacophonie, les apprentis semblaient au mieux dans l'incompréhension totale, au pire terrifiés de la tête au pieds. Eudes surgit avec les retardataires du réfectoire, la Nacelle s'ouvrit en grand pour laisser arriver d'autres Rias.

Fedor Astorius, le vieux magicien aux moustaches enroulées et Eons le Ria en habits immaculés qui avait barré le passage à Grogmar une heure plus tôt étaient de ceux là. Le vieux mage ordonna le calme pour tout le monde et Eons vint rapidement vers le Techno-mage. Une seconde plus tard, ils avaient franchi la porte de sortie et se retrouvaient dehors, dans la même petite impasse poussiéreuse par laquelle Alf et ses compères l'avait "escorté". La ruelle était vide.

"Qui sont-ils, comment sont-ils, que veulent-ils ?" Questionna Eons de sa voix extraordinairement grave. Il fixait Grogmar à la fois de son œil valide et de celui peint d'un bleu électrique sur son bandeau de cuir.

— "Stop, dit simplement le Ria avant que Grogmar n'ai pu presser la poignée de la porte. Je les vois."

"Ennëli Lô, Quevreen Uls Thiel Finilis"

Grogmar sentit soudain une puissante lumière jaillir dans son dos, en même temps qu'il ressentait une grande arrivée d'Essence jaillir à coté des deux hommes. La luminosité fut alors si grande que le Techno-Mage dut fermer les yeux. Une sorte de bruit de tonnerre vrombit dans l'air, accompagné d'un hennissement qui semblait venir de très, très loin.
Un énorme cheval était apparu au centre de l'impasse poussiéreuse. Son corps était fait d'une myriade de flammes lumineuses, tandis que sa queue et sa crinière dansaient comme des flambeaux aveuglants.

Eons grimpa avec agilité la monture de lumière et tendis une main vers Grogmar.

"C'est toi qui est en lien avec eux, tu sauras les reconnaître à coup sûr. Il n'est pas encore l'heure de glisser au fond de ton lit, Ria, montes donc."

Assis derrière Eons, Grogmar sentait sous lui une chaleur très forte, sans pour autant qu'elle ne le brûle. La peau de l'animal n'était ni solide, ni gazeuse, le Techo-mage avait plutôt l'impression d'être assis sur un milliard de plumes.

Le cheval s'élança comme un éclair, manquant de le désarçonner. Grogmar n'avait jamais monté mais il était sûr qu'un véritable cheval serait allé beaucoup moins vite. Les rues défilaient autour d'eux, déformées par la vitesse. Les torches bleues passaient les unes après les autres, les deux magiciens allant par les chemins que Grogmar avait déjà arpenté avec ses geôliers.

En quelques instants, ils arrivèrent dans une nouvelle rue où, au loin, on voyait deux silhouettes en robes sombres courir à toute jambes.

"Banen Lô" Murmura la magicien en pointant les deux mains vers les fuyards.

Dés:

Une batterie de javelots lumineux apparurent de nulle part au dessus de lui et fendirent l'air pour se ficher tout autour des deux personnages. D'autres traverses flamboyantes apparurent horizontalement en croisant les premières. Les deux magiciens n'avaient pas eu assez de réflexes pour échapper à la cage de lumière qui les encerclaient.

"Halte, traîtres, dit Eons d'une voix grave. Ne tentez plus rien, où les feux de la justice vous carboniseront. Je vous aurai prévenu.

Il se retourna vers Grogmar, son œil électrique était presque plus expressif que sa voix.

Es-tu sûr qu'il s'agit bien d'eux ?"

Dans la cage, il y avait bien deux personnes. Une grande, une plus petite et carrée. Elles étaient toutes les deux vêtues de capes sombres, mais des choses avaient changé : La magicienne était plus blafarde, ses cheveux semblaient avoir raccourcis et une cicatrice était apparue le long de son œil gauche. L'homme, lui avait un visage devenu étrange ; il était verdâtre, son nez et sa bouche s'étaient allongés et sa peau avait un aspect anormal, couvertes de larges croûtes. Sa lèvre était fendue et sa pommette rouge de sang.

Pendant que Grogmar et Eons parlaient, la femme s'exclamait d'une voix forte. Une voix qui n'était pas du tout celle d'une femme mais d'un homme.

"Qu'est-ce que cela signifie, les mages sont-ils au-delà de loi ? Ils brisent la paix du roi comme bon leur semble ?

Eons foudroya les deux magiciens du regard mais ne répondit pas tout de suite. Le discours de la magicienne — ou plutôt du magicien — n'était pas le plus convainquant que Grogmar ait jamais entendu, une pointe d'angoisse faisaient vibrer chacun des mots prononcés.

— Je ne vois aucune trace de magie en eux, Murmura alors Eons à l'oreille du Techno-mage. Son œil semblait briller encore plus fort que le cheval sur lequel ils étaient tous les deux assis. D'ailleurs, ce ne sont pas des magiciens, de cela j'en suis sûr. Nous allons les ramener et tirer tout cela à la lumière.


Le magicien prononça une nouvelle formule et un craquement de tonnerre retenti dans toute la rue accompagné d'un éclair aveuglant. La prison lumineuse s'était transformée en une gigantesque main de la même matière qui flottait dans les airs. Elle empoigna les deux personnages comme si ils avaient été des petites figurines et les amena devant eux.

De près, la magicienne n'avait plus rien de féminin. C'était devenu un homme plus vieux que Grogmar, les cheveux longs poivre et sel et l’œil gauche parcouru d'une longue cicatrice. L'autre s'était à présent couvert de plaques et son nez s'était allongé en un museau garni de dents pointues.

Ce dernier s'écria soudainement, comme si Deus l'avait frappé en plein visage, alors qu'il n'avait pas bougé. Les yeux du mi-homme mi-draconide étaient devenus tout blancs.

— "Hé ! Je ne vois plus rien ! Qu'est ce que vous m'avez fait maudite raclure de sorcier ! Je ne vois plus, je ne vois plus !

Eons jeta un oeil à Gorgmar, perplexe. Il avait l'air de dire "Je ne l'ai pas touché".

— Rentrons, Dit Eons d'un air sombre qui laissait pour la première fois paraître un soupçon d'inquiétude. Fouille le Draconide, Ria, tu laissais entendre que des choses avaient pu être dérobées dans ta chambre, nous allons en être certains.

Un doigt de la main de lumière se déplia — Elle transportait toute seule les deux prisonnier, suivant lentement le pas du cheval juste à coté —, elle libéra la taille de l'hybride. Grogmar pouvait déjà y voir l'épée noire qu'il avait vu la première fois dans sa chambre et qui était maintenant glissée à la ceinture. Un certains nombre de potions débordaient aussi d'un sac en bandoulière.

La réaction de Grogmar sembla passablement agacer le Ria. Il sembla sur le point de fouiller les effets personnels du Draconide lui-même. Mais au même moment, l'autre personnage s'agita.

"Aller vous continuez de m'ignorer ? explosa-t-il, De quoi parlez vous ? Ce que vous êtes en train de faire est totalement illégal ! Faire usage de magie ainsi pour mettre en cage sans raisons des passants, n'est-ce pas le but même de votre Ordre d'éviter ce genre de comportement ? Nous n'avons rien à voir avec vos histoires !"

La monture s'arrêta, la main aussi. Eons dévisagea longuement les deux captifs. Le Draconide continuait de hurler qu'il ne voyait plus rien, mais le magicien n'avait pas même l'air de l'entendre. L'oeil bleu du magicien pivota vers Grogmar, il avait presque l'impression que l'iris avait grandit sur le bandeau de cuir.

— "Qu'est ce que tu en penses, Ria ?" Demanda-t-il d'une voix plus grave que jamais.

Après un très court instant, la monture de lumière reprit sa marche soutenue, la main suivant tout aussi silencieusement. Grogmar reconnaissait la ruelle solitaire qui sinuait dans la roche. Ils seraient aux portes de l'Ordre d'une minute à l'autre.

— "Et bien finalement nous pensons pareil, voila au moins une bonne nouvelle pour ce soir."